Si vous ne la connaissez pas personnellement et professionnellement, elle ne vous dira pas grand-chose à son passage. Pourtant Maximilienne Ngo Mbe vient de se voir nominer parmi « les femmes plus influences dans les affaires et la gouvernance dans le monde ». Directrice Exécutive du Réseau des Défenseurs des Droits de l’Homme en Afrique Centrale (REDHAC), elle a obtenu récemment un award pour sa sélection parmi quelques 9000 candidates qui étaient sur la ligne de départ à travers le monde pour cette distinction. Notre compatriote militante et activiste des droits humains est honorée d’être l’une des 231 femmes retenues pour la finale africaine qui se déroulera à Johannesburg en Afrique du Sud, du 28 au 29 octobre 2014.
Quelle que soit l’issue de la phase finale à Johannesburg, la sélection de « Maxi » comme l’appellent les intimes est le couronnement d’une vingtaine d’années d’engagement de cette dame d’environ 45 ans dans « la promotion, le respect et la défense de la dignité humaine ». Partout où besoin est. D’abord au Cameroun où elle participe dans les années 2000, avec quelques amis à la fondation de Promotion et Solidarité pour les Droits de l’Homme et des Peuples (PRODHOP). Elle avait marquée par les abus contre les étudiants de l’Université de Douala et les militants politiques qui ne demandaient pourtant qu’un meilleure gestion du bien commun qu’est l’Etat.
A l’issue de cette expérience, elle montera d’un cran une dizaine d’années plus tard en élargissant le champ de la couverture de son engagement. C’est ainsi qu’elle s’investit dans la création du Réseau des Défenseurs des Droits de l’Homme en Afrique Centrale (REDHAC) qui se donne pour vocation de couvrir les atteintes des droits des défenseurs dans les 6 pays de la CEMAC et la vaste République démocratique du Congo (RDC). En 2011, elle obtient, pour le Redhac, le statut d’Observateur auprès de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples (CADHP), dont le siège est à Banjul en Gambie. Avec l’appui de volontaires engagés, dont votre serviteur, elle parvient, malgré la modicité des ressources du REDHAC a être la principale plateforme de défense des droits de l’homme véritablement engagée en Afrique Centrale.
Avec ce statut, « Maxi » donne de la voix. Ici, comme à Banjul ou Addis-Abeba , à Généve comme à New York, principaux lieux où se discutent et structurent les stratégies de protection des droits fondamentaux des citoyens, quels que que soient leurs races, origines, religions, orientations sexuelles ou appartenances politiques ou idéologiques. C’est que pour « Maxi », qui est issu d’une famille catholique très pieuse, » la liberté de chacun de faire librement ses choix de vie ainsi que le droit de s’exprimer librement son opinion sur les affaires de la cité sont d’essence divine ».
Titulaire au départ d’un simple BTS obtenu à l’IUT de Douala, « Maxi » qui a suivi de nombreuses formations théoriques et pratiques dans le domaine de la science politique, du droit et des Relations internationales est d’ailleurs devenue Experte sur les questions de Droits Humains. Il faut ainsi voir ce femme filiforme à Banjul où on s’est souvent retrouvé lors des sessions de la CAHDP. Elle court de panel et atelier. Intervient à différents forums. Relayant ainsi sur le plan continental et international, le drame que vivent les femmes congolaises; les atteintes à la liberté d’expression et d’association des journalistes et syndicalistes en Afrique Centrale. Elle est à cet effet choisie pour représenter l’Afrique Centrale comme membre du Comité Directeur de la Fédération Africaine des Défenseurs des Droits Humains que dirige le très charismatique Hassan Shire de Somalie.
Femme d’engagement et de caractère
Au Cameroun, comme au Congo, au Gabon et en RCA, elle se tient courageusement aux côtés des défenseurs des droits humains, notamment journalistes, avocats, syndicalistes, et responsables d’OSC de défense des droits de l’homme, ainsi que les victimes des abus du système politico-judiciaire. Depuis 2013, elle a pris la tête du mouvement que mène la société civile dans l’espoir de limiter, à défaut d’y mettre fin aux abus impunis du Lamido de Rey -Bouba, M. Abdoulaye Aboubakari d’ailleurs nommé Sénateur en 2013 Sénateur par le Président de la République et promu 1er Vice Président de cette Chambre parlementaire. Sacrilège alors que de jeunes gens, tel Célestin Yandal croupissent en prison du fait de cette personnalité du sérail du pouvoir camerounais. Le crime de ces jeunes? Avoir osé battre campagne sous la bannière d’un parti d’opposition et gagner les élections municipales à Touboro, une localité de son territoire traditionnel! Elle n’hésite pas à dénoncer, le harcèlement judiciaire dont sont victimes certains anciens dignitaires du régime du Renouveau. Suscitant des soupçons divers et des menaces de la part des réseaux obscurs, qui attentent aussi bien à sa vie qu’à celle de ses proches parents.
Ainsi désormais, au Cameroun et en Afrique Centrale, lorsqu’un leader d’opinion, un défenseur ou même un opposant politique voire même un simple agent de l’Etat est victime d’abus des tenants du pouvoir, c’est elle, la « petite » – physiquement s’entend – Maximilienne qui est d’abord sollicitée. C’est qu’elle a un sens incroyable d’écoute. D’attention à ceux qui sont dans des situations de détresse. Sans jamais chercher à savoir quel est piège comme l’intérêt sordide masqué derrière de telles sollicitations.
Approchée un jour après un saccage en règle du siège du Redhac à Douala, alors que je croyais voir une femme effondrée, c’est plutôt une personne plus déterminée encore que je rencontrais. C’est comme si l’adversité la transfigurait. C’est qu’il en faut un peu plus pour détourner cette mère de deux charmants enfants de son engagement de vie. Elle me confiait un jour: » Alex, j’abhorre l’injustice. Je suis prête à me battre toute ma vie pour que chaque individu, quelque soit son statut ne soit victime d’abus. Cela me galvanise malgré les embûches et les menaces ». C’est que dotée d’une formation politique solide, car de type révolutionnaire, cette ancienne militante de l’UPC restée fidèle aux vues progressistes et panafricanistes portées par ses leaders historiques (Um Nyobe, Roland Moumie, Ernest Ouandie, Osende Afana, Mack-Kit, etc) sait que tout engagement pour le bien commun est un sacrifice. Et elle en a sacrifié, la « Maxi ». Diplômé de l’IUT de Douala, elle a du abandonner plusieurs carrières professionnelles du fait de son engagement civique et militant. Mais elle a su, chaque fois, avec le soutien de quelques rares amis fidèles, rester debout et poursuivre sa mission.
Bon vent, Madame.
Alex Gustave Azebaze